Bruxelles : comment devons-nous réagir?

2537
0
Partager:

Après chaque attentat sur le sol européen, nous sommes atteints par une tempête, ou en plus d’une déferlante émotionnelle en tous genres, s’ajoute une pléthore de prises de position et accusations volant dans tous les sens. Hélas, cette tempête touche la communauté musulmane qui en sort lésée. Et dans ce climat, l’échange d’idées n’est pas véritablement au rendez-vous – aussi critique qu’il pourrait-être – mais il s’agit plutôt d’un climat imposant qui renforce l’étouffement de la communauté musulmane.

Les discussions, si on pouvait les nommer ainsi, qui sont menées à la suite des attentats, ont lieu dans un contexte spécifique, à savoir celui dans lequel les émotions l’emportent sur la raison et la sagesse. Avec cela, on observe aussi des idées et des sentiments dissimulés, mais profondément ancrés dans une frange de la société, qui sont formulés de manière plus explicite. Nous sommes donc aspirés dans un scénario presque guerrier où de nouvelles règles sont en vigueur et où toutes sortes de rhétoriques belliqueuses sont permises. La question est donc de savoir si ces « discussions » se posent sur des termes honnêtes et corrects, ensuite de concevoir le positionnement de la communauté musulmane dans ce contexte.

Condamner la terreur

Une requête qui réapparaît continuellement, devenue une rhétorique lassante, démodée et vide de sens qui consiste en la sommation à la communauté musulmane de prendre une position ouverte contre la terreur. Mais honnêtement qu’implique en réalité une telle requête ? Ce seul regard suspect sur les musulmans ne suppose-t-il pas qu’ils se réjouissent de la mort de civils innocents et qu’ils doivent donc prouver leur dignité humaine?

Si nous prenons en considération cette demande de condamnation et la soumettons à une analyse sérieuse, nous devons en premier lieu, la reformuler pour en dégager le sens réel: « les musulmans veulent-ils condamner spécifiquement les attentats sur les territoires Occidentaux? » Soyons honnêtes, tous les actes de terreur ayant lieu en dehors de l’Occident ou de la zone d’intérêt de l’Occident, serait simplement inexistante ou on hausse les épaules dans l’indifférence totale. Ainsi même, lorsqu’un attentat à Istanbul a coûté la vie de quelques touristes allemands, la réaction était apathique. Car cela n’avait pas lieu ici, mais ailleurs. Le malaise de la Seconde Chambre, au Pays-Bas suivant la demande du parti politique « DENK » à observer une minute de silence pour les victimes des attentats à la bombe d’Ankara en dit long. Tandis que ces mêmes personnes, pas plus d’une semaine plus tard, étaient complètement émues suite aux attentats de Bruxelles.

Définir le cadre

C’est également une requête injuste puisque si nous examinons les quelques décennies précédentes, les musulmans ont toujours été à l’avant-garde pour s’exprimer fermement contre le terrorisme (d’état); contre l’injustice et l’oppression; contre les guerres fondées sur des mensonges; contre l’assassinat de citoyens innocents; contre l’occupation illégale; contre le colonialisme; contre l’emprisonnement inhumain et illégal; contre les violations des frontières des états et contre les attaques de drones lâches dans des zones peuplées. Ou existe-t-il d’autres normes s’appliquant aux violences commises par l’Occident ? Comment encore avoir l’audace de pousser les musulmans dans un tel embarras ? Ironiquement, lorsque les musulmans dénoncent et s’expriment concernant les crimes énumérés ci-dessus, il y a de grandes chances qu’ils soient accusés de radicalisme et d’extrémisme.

Purifier l’islam

En outre, un autre argument fréquemment avancé affirme que les auteurs des attentats ont entaché le nom de l’islam, et que la communauté musulmane devrait donc collectivement se distancier de ceux-ci pour épurer le nom de l’islam. Comme s’ils se souciaient du nom de l’islam; c’est l’imposture à son comble ! Ce sont ces mêmes individus qui appellent à une réforme de l’islam pour qu’il corresponde aux valeurs occidentales, un soi-disant « islam européen ». À ce titre, le ministre de l’intérieur Jan Jambon, a évoqué, lors d’une interview, qu’il ne suffit pas de condamner les attentats, mais que l’islam doit subir une réforme qui est conforme aux valeurs et normes de la Belgique.
Le rôle et la responsabilité des organisations et institutions islamiques

Néanmoins, cela ne signifie aucunement que les organisations et institutions musulmanes ne doivent pas désapprouver ces crimes. Au contraire, elles ont l’obligation de présenter et d’éclaircir les points de vue islamiques corrects s’y rapportant. Elles doivent en profiter pour expliquer que même en temps de guerre, dans le feu de l’action, les innocents jouissent de l’immunité. Et que l’islam, contrairement à l’idéologie séculière libérale, condamne fermement la destruction des nations et le meurtre des civils innocents.

Les organisations et institutions musulmanes devraient s’indigner de la même manière lorsque les pays dans lesquels elles résident donnent libre cours à leurs anciennes pulsions coloniales sur les territoires des musulmans. Par exemple, la participation des Pays-Bas et d’autres pays, aux bombardements en Syrie. Bachar al-Assad, qui est l’un des plus grand tirants du Moyen-Orient est considéré comme un allié et le peuple qui se soulève contre lui, comme des terroristes (notez bien que nous ne parlons pas de L’EIIL).

Le week-end précédant les attentats de Bruxelles qui ont couté la vie de 35 innocents, les Etats-Unis ont ôté la vie de 200 innocents, parmi eux des étudiants et des enseignants, suites aux bombardements qui ont touché l’université de Mossoul au nord de l’Iraq. Mais on considère cela comme des « dommages collatéraux » et non du terrorisme.

La plus grande erreur de ces organisations et institutions musulmanes serait de suivre l’agenda du gouvernement et de fonctionner comme son porte-parole. Il doit être clair que le plus grand danger pour l’islam n’est pas la condamnation ou non des crimes commis par certains individus, mais la politique intense d’assimilation mise en place par les gouvernements européens à l’égard des communautés musulmanes et leurs appel à un islam européen. Les organisations et les institutions des musulmans doivent défendre les intérêts des musulmans et non pas les intérêts des gouvernements.

L’appel à l’unité et la solidarité

L’appel à l’unité et la solidarité de la part des organisations musulmanes et des mosquées suscite en moi un sentiment de gêne. Non pas que nous sommes contre une bonne relation entre les différentes communautés au sein de la société, mais nous sommes contre une déclaration à sens unique utopique. Si les nations européennes considéraient réellement les musulmans comme partie intégrante de la société et égaux comme ils prétendent, un appel à l’union et l’entente n’auraient pas été nécessaire. L’unité et la solidarité sont obtenues non pas par une demande adressées à la minorité, mais plutôt une conséquence logique de l’acceptation de la majorité qui vous reconnait et vous accepte comme vous êtes.

Conclusion

Nous demandons à Allah (Exalté) de nous accorder la sagesse, la perspicacité et un bon équilibre, afin que nous soyons toujours au service du bien et qu’Il (Exalté) nous donne la force de nous opposer au mal. Et nous demandons à ce qu’Il (Exalté) nous inscrive parmi ceux qui ne placent jamais les flatteries et l’agrément des gens au-dessus de Sa satisfaction. Et qu’Il (Exalté) ne nous laisse pas nous écarter, ne serait-ce qu’un instant, du droit chemin et que nous soyons parmi ceux dont Il (Exalté) a fait l’éloge :
« Vous êtes la meilleure communauté, qu’on ait fait surgir pour les hommes. Vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez à Allah. »
(Voir Sourate Âl-‘Imran verset 110).

Okay Pala
Représentant médiatique du Hizb ut-Tahrir Pays-Bas

Partager: