L’Iran et l’Axe de la Résistance : un an après le 7 octobre
La position de l’Iran au sein de l’axe de la résistance a été présentée comme prudente et calculatrice, Téhéran donnant la priorité aux tactiques de survie et aux intérêts nationaux plutôt qu’aux efforts de résistance autour desquels il se définit ostensiblement.
L’anniversaire des événements du 7 octobre marque un tournant pour la position géopolitique de l’Iran, en particulier au sein de ce que l’on appelle l’axe de la résistance, un réseau comprenant l’Iran, le Hezbollah, les Houthis et diverses milices régionales. Cette date permet d’examiner les réponses militaires modérées de Téhéran, sa gestion prudente des divisions internes et ses objectifs stratégiques plus larges, y compris l’accord sur le nucléaire. Malgré la rhétorique de résistance et de défi de l’Iran à l’égard « d’Israël », ses actions – ou leur absence – témoignent d’un régime davantage axé sur ses propres intérêts nationaux que sur toute forme de résistance digne de ce nom.
Avant même le 7 octobre, le régime iranien était confronté à des défis internes. Des décennies de corruption, d’incompétence, une économie stagnante et un taux de natalité en baisse avaient affaibli ses fondations. Malgré ces faiblesses, un effondrement complet était peu probable. Le système politique hautement centralisé de l’Iran, dans lequel le guide suprême Ali Khamenei exerce l’autorité suprême, maintient son contrôle grâce à un puissant appareil coercitif, notamment le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI). Le régime a efficacement réprimé la dissidence, même au sein de sa population ethniquement diverse – Kurdes, Azéris et Arabes – qui, malgré son potentiel de perturbation de l’État, est restée divisée, limitant ainsi la capacité de l’opposition à s’unir.
Les événements du 7 octobre ont placé l’Iran dans une position géopolitique précaire. Malgré son rôle de leader dans l’Axe de la Résistance, l’Iran a hésité à intervenir directement, révélant les contraintes qui pèsent sur son influence militaire et stratégique. Lors d’une réunion au début du mois de novembre 2023, le guide suprême iranien aurait critiqué le Hamas pour n’avoir pas prévenu de l’attaque et aurait déclaré que Téhéran n’entrerait pas en guerre en son nom, soulignant ainsi sa réticence à être entraîné dans le conflit [1]. L’ancien ministre des affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a souligné que l’Iran ne pouvait pas se permettre une confrontation directe, d’autant plus que les États-Unis cherchaient à provoquer l’implication de l’Iran sans fournir de preuves substantielles de son rôle dans les attaques [2].
D’un point de vue géopolitique, cet événement majeur a mis en évidence les limites de l’influence de l’Iran au sein de l’axe de la résistance. Malgré une rhétorique anti-occidentale, les actions de l’Iran ont été historiquement plus pragmatiques, marquées par une coopération tacite avec les puissances occidentales dans des régions comme la Syrie et l’Irak. Cette approche pragmatique met en évidence un fossé entre la rhétorique de l’Iran et sa position réelle.
Plus la menace est audacieuse, plus la réponse est froide
Le 1er avril, « Israël » a lancé des frappes de missiles visant le consulat iranien à Damas, tuant de hauts commandants du Corps des gardiens de la révolution islamique, dont le général de brigade Mohammad Reza Zahedi et son adjoint. L’ambassadeur de Téhéran en Syrie, Hossein Akbari, a promis une réponse décisive, mais les représailles ont été discrètes. Dans ce qui a été présenté comme un acte de vengeance, l’Iran a lancé plus de 300 projectiles contre « Israël », parfaitement télégraphiés et facilement interceptés, ne laissant que des dégâts minimes au sol.
L’incapacité de l’Iran à mettre ses menaces à exécution a mis en évidence un schéma cyclique : une rhétorique audacieuse suivie d’une action modérée. Téhéran a rapidement déclaré l’affaire « conclue » en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations unies, indiquant qu’il n’y aurait plus d’escalade à moins d’une nouvelle provocation [3]. Cet incident a permis de mettre sérieusement à mal la rhétorique de la résistance et de réaffirmer que l’Iran est un acteur régional dont les menaces militaires manquent de plus en plus de crédibilité, ce qui limite son influence dans la diplomatie régionale et la dissuasion stratégique.
En mémoire d’Ismail Haniyeh ?
La réaction de l’Iran à l’assassinat, le 31 juillet, du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, a encore révélé ce modèle de retenue. Après l’assassinat, Khamenei a promis un « châtiment sévère » pour « Israël », repris par plusieurs responsables iraniens. Au début du mois d’août, les dirigeants iraniens ont déclaré que la réponse serait une opération spéciale destinée à inspirer de « profonds regrets » à « Israël ». Cependant, les semaines se sont transformées en mois et les représailles promises ont perdu de leur crédibilité.
Les déclarations de hauts responsables, dont le commandant adjoint du CGRI, Mohammad Reza Falahzadeh, et le représentant de l’Iran auprès des Nations unies, Amir Saeid Iravani, ont continué à souligner le caractère inévitable des représailles, mais aucune action significative n’a été entreprise par la suite. Plus récemment, Mohsen Rezaei, ancien chef du Corps des gardiens de la révolution islamique, a assuré que l’Iran était « à l’affût » et qu’il porterait un « coup dur » à « Israël » au moment opportun. S’appuyant sur les leçons tirées de l’expérience iranienne lors de la guerre Iran-Irak, les responsables ont souligné la nécessité d’un calcul et d’un timing minutieux. Néanmoins, près de deux mois après la mort de Haniyeh, la réponse de l’Iran n’était toujours pas visible, ce qui a renforcé la perception de sa réticence à mettre ses menaces à exécution.
Priorité aux intérêts nationaux
Au cours des dernières semaines, les frappes aériennes « israéliennes » au Liban ont fait plus de 630 morts, dont 50 enfants et 94 femmes, et déplacé plus de 90 000 personnes selon les Nations Unies [4]. Malgré ces statistiques dévastatrices, le Hezbollah n’a réagi que de façon minimale à l’escalade du conflit. Traditionnellement, le Hezbollah, en tant qu’allié clé de l’Iran, a tracé une ligne rouge pour les attaques sur le sol libanais, déclarant qu’il n’interviendrait que si « Israël » étendait la guerre au-delà de Gaza. Pourtant, alors que les forces « Israéliennes » intensifient leurs attaques au Liban, le Hezbollah reste lui aussi dans un mutisme caractéristique.
Le silence de l’Iran dans cette situation en dit long sur ses priorités actuelles. Alors que les frappes aériennes « israéliennes » continuent de détruire les infrastructures du Hezbollah, l’Iran s’est concentré presque exclusivement sur les négociations nucléaires avec les États-Unis, reléguant au second plan toute réponse substantielle à l’agression « israéliennes » [5]. Alors que la rhétorique de Téhéran a longtemps été centrée sur le soutien à la cause palestinienne, le régime iranien semble plus préoccupé par la relance de l’accord nucléaire, utilisant le discours de désescalade comme levier de pression. Cette orientation diplomatique reflète un changement stratégique plus large, l’Iran privilégiant la sécurité à long terme et les gains économiques à l’escalade militaire, malgré les souffrances de ses alliés au Liban et à Gaza.
L’engagement de l’Iran en faveur de la Palestine : Une façade rhétorique
Lorsque l’on examine la réponse – ou l’absence de réponse – de l’Iran lors de ces incidents, il apparaît clairement que l’engagement de Téhéran en faveur de la cause palestinienne est plus rhétorique que substantiel. L’Iran et le Hezbollah ont eu amplement l’occasion de mettre « Israël » à rude épreuve lorsqu’il a lancé son assaut sur Gaza en octobre. Au lieu de cela, l’Iran a informé le Hamas qu’il ne soutiendrait pas ses efforts, car il n’avait pas été prévenu à l’avance des attaques.
L’inaction du Hezbollah reflète également un nouveau calcul stratégique. Alors que le groupe s’est déclaré prêt à agir si « Israël » étendait ses opérations au Liban, la guerre a désormais atteint ses frontières sans qu’aucune réponse substantielle n’ait été apportée. L’Iran et le Hezbollah semblent moins préoccupés par l’endiguement « d’Israël » que par la préservation de leurs atouts stratégiques pour la stabilité intérieure et l’avantage diplomatique. Malgré l’idée reçue selon laquelle l’Iran finance ces groupes uniquement pour menacer « Israël », la réalité semble plus pragmatique : l’Iran utilise le Hezbollah et les Houthis pour protéger ses propres intérêts, en maintenant son influence régionale sans s’engager de manière excessive dans des conflits coûteux.
Un an après le 7 octobre, il est clair que les décisions stratégiques de l’Iran reflètent un régime axé sur l’auto-préservation, la stabilité interne et la promotion de ses objectifs diplomatiques, en particulier ses ambitions nucléaires. La rhétorique de la résistance et les promesses audacieuses de représailles servent davantage d’outils politiques que de véritables menaces militaires. La position de l’Iran au sein de l’axe de la résistance a été exposée comme prudente et calculatrice, Téhéran donnant la priorité aux tactiques de survie et aux intérêts nationaux plutôt qu’aux efforts de résistance autour desquels il se définit ostensiblement.
Mise à jour : L’Iran a lancé environ 200 missiles balistiques en direction « d’Israël » lors d’une attaque en deux vagues le mardi 1er octobre, ont déclaré les forces de défense « israéliennes » dans un communiqué. La plupart des missiles ont été interceptés par « Israël » et les États-Unis, et la Jordanie a de nouveau participé à l’opération, bien que plusieurs frappes aient été identifiées. L’Iran a déclaré que l’attaque avait été lancée en représailles à une série d’assassinats commis récemment par « Israël », mais qu’elle était désormais terminée et qu’« Israël » subirait « une défaite écrasante » s’il réagissait par la force. Un fonctionnaire du ministère américain de la défense a déclaré à Sky News Arabia que l’Iran avait informé les « parties internationales » de l’ampleur et de la date de son attaque prévue contre « Israël ». Les médias ont donc titré tout au long de la journée qu’une attaque était imminente, ce qui a permis à « Israël » et à ses alliés de réagir. Tout comme le tir de missile iranien du 13 avril, cette attaque n’a causé que des dégâts minimes. Les images et les vidéos en ligne indiquent que l’Iran a utilisé des ogives avec de petits explosifs, ce qui serait conforme à la position de l’Iran au cours des 12 derniers mois, qui consiste à ne pas provoquer d’escalade et à appeler à une solution diplomatique.
thegeopolity.com
Traduit par l’équipe de La Pensée Islamique
[1] Iran’s ‘Axis of Resistance’ against « Israel » faces trial by fire (Reuters)
[2] Former foreign minister urges Iran not to get lured into war with « Israel » (The Guardian)
[4] Lebanon crisis: 90,000 displaced in last 72 hours, warns refugee agency
[5] Iran Wants New Talks About the Nuclear Deal at UN General Assembly in New York