le conflit entre l’UE et l’US en Afrique du Nord: Le Maroc

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L’histoire contemporaine du Maroc nous rappelle les périodes de la société marocaine  marquées par le protectorat français. Bien que le Maroc ait acquis son indépendance en 1956, nombreux sont ceux qui pensent que le pays reste sous l’emprise d’un post colonialisme français. Néanmoins, la France est sortie grandement affaiblie de la seconde guerre mondiale. Elle perd son leadership sur le Maroc au détriment de la Grande Bretagne, qui y joue un rôle de premier plan dans les affaires politiques, et ce, face aux velléités américaines sur la région. La France est réduite à être reléguée au second plan. L’influence de la France existe surtout dans le domaine des relations économiques entretenues avec la Maroc.

Afin d’affaiblir le rôle de la France au Maroc et y prendre une position de premier plan, l’Amérique  a soutenu divers mouvements de libération actifs au sein même du Maroc. De cette manière, il a pu exercer son influence au moment de l’indépendance du Maroc, à l’époque de Mohammad V. Cependant, cette réalité ne durera pas longtemps, l’influence britannique devenant fortement présente après la mort de Muhammad V lors de l’arrivée de Hassan II en 1961.  Par la suite, toutes influences sérieuses au Maroc furent sérieusement empêchées à l’Amérique jusqu’à ce qu’elle trouve une opportunité au sein du Mouvement Saharien d’indépendance du Polisario après le départ de l’Espagne le 26 févier 1977, après 90 ans de colonialisme. Avant cela, les Nations Unies, sous influence américaine, avaient formé une mission d’enquête qui fut envoyée au Sahara occidental. La mission a ensuite soumis son rapport à l’Assemblée générale du 9 juin 1975, dans laquelle elle informait l’indépendance du Sahara à l’égard de l’Espagne et affirmait que le Mouvement Polisario contrôlait cette région et exerçait une influence considérable. C’est ainsi que l’Amérique a mis en avant le Polisario et l’a soutenu en tant que représentant du peuple Sahraoui. L’objectif était de faire en sorte que le Sahara ne retourne pas au Maroc après le départ de l’Espagne et qu’il devienne un foyer de tension réclamant l’indépendance que l’Amérique exploiterait pour défendre ses intérêts en Afrique du Nord.

Cependant, Hassan II s’opposa aux plans américains avec le soutien britannique au cours de la période de son règne, entre 1961 et 1999, car il était connu pour sa ruse politique et son intelligence depuis sa jeunesse. En tant que tel, il était capable de diriger le Maroc avec force et de réaliser la stabilité que les pays voisins ont été incapables d’atteindre en cette même période. Il a également acquis un certain niveau de popularité après la Marche verte pour libérer le Sahara marocain du colonialisme espagnol en 1975.

L’Espagne s’est retirée du Sahara le 26 févier 1976 et le lendemain, le Conseil national sahraoui a annoncé la création d’une République arabe saharienne… L’Amérique a immédiatement mené une politique d’ingérence par son rôle dans la publication des résolutions de l’ONU en rapport au Sahara. Cependant, chaque fois que l’Amérique tentait de le provoquer avec une résolution, Hassan II, en raison de sa ruse et du soutien britannique qu’il disposait, était capable de le détourner! Ainsi, Hassan II a absorbé toutes les pressions américaines sans rien changer à la réalité du Sahara. Quand Hassan II est décédé, son fils, Mohammed VI suivi sa conduite politique. Comme son père, il était fidèle aux Britanniques, mais il n’était pas un homme politique, rusé et perspicace comme son père. Par conséquent, les États-Unis devinrent actifs pour le convaincre, ce qui généra aux Britanniques des craintes quant à la possibilité de voir le Maroc tomber dans les carcans des plans américains…

Muhammad VI n’étant ni aussi astucieux ni aussi expérimenté que son père en matière de gestion des aléas et des intrigues de la vie politique, la Grande-Bretagne craignait que le Roi ne cède aux pressions et s’aligne aux directives américaines. Pour cette raison, la Grande-Bretagne lui a conseillé (ou lui a ordonné), comme il est normal de le faire afin de protéger ses petits agents, en ne continuant pas sur la même voie forte et stricte que son père envers l’Amérique. Dans la volonté  de traiter avec l’Amérique avec une flexibilité accrue, les thèmes tels que la liberté, la démocratie et les droits de l’homme firent leurs apparitions. L’Amérique est ensuite devenue le premier partenaire commercial en terme d’exportations marocaines en dehors de l’UE (des échanges commerciaux d’un montant de 1,5 milliard de dollars) … En juin 2004, lors du sommet de l’OTAN à Istanbul,  l’Amérique suggéra d’accorder au Maroc un statut d’allié principal non-membre à l’OTAN , au titre de premier État arabe d’Afrique du Nord à entrer dans le club de l’OTAN. Lorsque l’Amérique  proposa ce statut, la Grande-Bretagne l’accepta avec précaution et méfiance. C’est parce qu’elle comprit que la proposition américaine visait à influencer la situation politique marocaine… De cette posture Britannique, il apparaît clair que la position de Mohamed VI face aux initiatives américaines est moins dure que son père, qui les a même acceptées pour finalement se plier à les appliquer. C’est pourquoi il cautionna la proposition de Baker relative à la solution du compromis appelée « troisième solution », qui comporte plusieurs étapes, à commencer par un régime autonome du Sahara suivi d’un référendum au bout de cinq ans pour décider de son sort ou de son avenir. C’est la solution que le Conseil de sécurité confirma dans sa résolution n° 1359 du 29 juin 2001. Il accepta la résolution, mais à la manière anglaise c’est-à-dire en y joignant un délai de plusieurs années jusqu’en 2007 et en désignant la résolution comme étant une initiative marocaine!

Les plans américains n’ont guère cessé vis-à-vis du Maroc à l’exception des périodes de tourmentes qui réorientèrent les priorités américaines telles que durant la crise économique qui atteignit son apogée en 2008, et qui donna place à une suite de crises politiques et militaires étrangères…Au printemps 2013, les États-Unis profitèrent du contexte pour raviver de nouveau la crise saharienne pour s’immiscer dans la politique Nord Africaine et d’autres États africains qui y sont attachés… Elle prépara un projet d’extension de la mission des Nations Unies ‘MINURSO’ dans le Sahara marocain et en fît inclure la surveillance des Droits de l’Homme dans le Sahara afin d’y jouer une influence accrue dans les questions touchant le Sahara! Même si le projet a été retardé d’une année conformément à la résolution du Conseil de sécurité n° 2099 du 25 avril 2015, les États-Unis sont néanmoins restés actifs auprès du secrétaire général des Nations Unies et de son envoyé Ross pendant l’année de prorogation afin de préparer le référendum et un cadre nouveau aux droits de l’homme … Le diplomate américain Christopher Ross, en sa qualité d’envoyé personnel auprès du secrétaire général de l’ONU au Sahara occidental, s’est rendu dans la région en octobre 2013, puis à nouveau le 28 janvier 2014. Lors de ses voyages, Ross était préoccupé par les questions du référendum et des droits de l’homme…

En tant que telle, la position du Maroc ressemblait grandement à celle de la Jordanie  dans la mesure où il n’y avait pas de confrontation flagrante avec l’Amérique. Par la suite, le Maroc commença à surpasser l’Amérique en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme. Le Maroc se distingua  par la propagande d’un «discours religieux modéré», qui constitue un point de référence religieux islamique et en particulier pour le madhab malékite (l’école juridique) et la tariqasoufiyya at-Tijaaniyah qui est répandu dans les états côtiers, le désert du Mali, le Sénégal et le Niger. Ainsi, le Maroc a effectivement envoyé des prédicateurs, des orateurs et des hommes de religion au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Mali et au Bénin, en plus d’accueillir 500 étudiants en études religieuses dans des centres et universités marocaines. L’Amérique ne put que faire l’éloge du rôle marocain. Bisa Williams, l’adjointe du secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines, déclara dans un communiqué à l’agence de presse ArabianArab News en marge du séminaire international organisé à Nouakchott (Mauritanie): «Nous apprécions hautement l’expérience marocaine en Afrique dans son ensemble et en particulier dans la région côtière car le Maroc n’a ménagé aucun effort pour faire bénéficier d’autres pays de sa propre expérience en matière de lutte contre l’extrémisme et la violence» (Hespress, 21 août 2015).

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