Les musulmans, le Myanmar et la condition générale des musulmans

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« La plus grande peur à chaque crise est la peur que les leçons ne seront pas apprises. »

Un point qui est souvent négligé dans la discussion est la raison de la formation de Hizb ut-Tahrir (HT).

Au moment de sa création, HT était de l’avis que l’oummah avait atteint un point de son existence sans précédent. Cette singularité signifiait qu’il n’y avait pas de référence classique à travers laquelle l’oummah pouvait chercher des conseils, car la condition de l’oummah était nouvelle et l’ijtihad requis pour son traitement n’existait tout simplement pas. La poursuite d’un tel ijtihad, et l’établissement résultant de HT, s’ensuivit ainsi.

Mais qu’est-ce qui était tout à fait nouveau au sujet de notre condition, et pourquoi HT était-il d’opinion que tous les efforts de réforme à l’époque étaient inadéquats pour répondre de manière satisfaisante à cette nouvelle condition?

La réponse est à la fois conceptuelle (idéale) et structurelle (organisationnelle), bien qu’il existe un lien inséparable entre les deux. Je vais aborder le premier.

Sur la question de l’unicité de notre condition moderne, c’était la première fois depuis le temps du Prophète (saw) que l’oummah était complètement dépouillée de l’autorité politique. Il existe de nombreux exemples dans l’histoire islamique où les terres islamiques ont été occupées, parfois des parties significatifs, mais dans chaque cas, les musulmans ont pu se réorganiser et conserver la centralité de la gouvernance islamique.

Notre époque est différente. Tout le monde musulman était occupé à ce moment-là. Les institutions politiques islamiques ont été dissoutes, la Shariah a été abandonnée, et les infidèles ont pu mettre leurs mains sur chaque strate de la vie islamique. L’islam, en tant que force de vie dans la société, a simplement cessé d’exister.

Fait important, nous considérons ces développements comme un point culminant de siècles de déclin, et non le déclencheur.

HT traçe notre déclin a une série de développements internes, allant jusqu’à notre négligence dans la compréhension et l’application de la sharia découlant de la négligence de la langue arabe.

Ces défis internes ont été aggravés par une série de développements extérieurs puissants avec l’avènement du colonialisme. Ici, l’oummah à son point le plus faible a été confrontée à l’Europe, sans doute, a son point le plus fort. Le résultat était presque inévitable.

À l’intersection de ce point de rencontre historique, nous avons identifié le problème principal comme étant celui de la conscience de soi – la nécessité de reconstruire radicalement nos conceptions de soi, de nous rattacher à la tradition et de construire un activisme à travers une lentille exclusivement islamiste.

La profondeur de cette conclusion doit encore être pleinement réalisée. C’était à un moment où la destruction du khilafah était encore un souvenir vivant, la création de l’entité juive illégale venait d’être annoncée et les horreurs plus larges du colonialisme étaient toujours en pleine exposition. Pourtant, il y avait une reconnaissance, le problème était plus profond que ce qui était immédiat, aussi pénible qu’était la réalité  à laquelle nous étions confrontés.

Le problème pour les musulmans était supérieur à la perte de la gouvernance islamique. Les musulmans ont perdu leur identité islamique, ont été déchirés de leur tradition islamique, dépouillés de leur langue islamique et détachés de leur histoire islamique. Notre conception de soi a été profondément remplacée par ce que les colonialistes avaient apporté. Notre crise était civilisationnel.

Une nouvelle classe de musulmans est apparue, fidèle à l’Occident politiquement et idéologiquement. Ils ont dirigé la nouvelle phase de l’Occident dans sa guerre contre l’islam et les musulmans, en gardant ses nouvelles frontières, en corrompant ses peuples, en facilitant le vol de leurs ressources, en participant à leur meurtre et à leur servitude perpétuel à leurs nouveaux maîtres.

Telle était la condition moderne et universelle du monde musulman.

Le devoir des musulmans est ainsi devenu triple:

  1. pour reconstruire notre conscience de soi,
  2. de nous organiser en vue de reprendre l’autorité politique,
  3. pour affronter les conséquences matérielles du colonialisme et l’architecture internationale qui l’ont légitimée.

C’est une tâche monumentale, dont beaucoup, à ce jour, font toujours référence à un rêve. Mais aucune quantité de souhaits ne va changer ce qui se pose devant nous.

Chaque crise que nous rencontrons ne fait que renforcer ce que nous avons dit tout au long. Nos classes politiques sont des traîtres, mais leurs racines sont profondes. Le problème n’est pas que nous ne possédons pas la force ou la capacité d’éliminer les colonialistes de nos terres, mais que la classe dirigeante nous empêche de le faire. Bref, l’oummah n’a pas de volonté politique indépendante.

Nous devons donc nous organiser, en commençant par la façon dont nous regardons nous-mêmes et les uns les autres. Nous devons former un bloc critique à partir duquel nous pouvons construire une fondation critique, s’étendant dans toutes les couches de la société, en tirant sa légitimité uniquement de l’islam. Nous n’avons d’autre choix que de tirer le tapis sous les pieds de ceux déjà au pouvoir, peu importe le poids de leur jambes. Le changement doit être profond, il doit être radical, mais surtout il doit être organique.

Cela nous fait souffrir tous d’êtres témoins des horreurs au Myanmar. Bien que les particularités soient uniques à cette partie du monde, sa dynamique ne sera pas très différente du reste du monde musulman.

En fin de compte, la discussion se déroulera inévitablement autour de la nature problématique de l’État moderne, du colonialisme qui l’a introduit, de l’architecture internationale qui le facilite, de la duplicité du droit international qui l’assume, de l’aveuglement moral de l’Occident, de la déshumanisation des musulmans, la sauvagerie de son ennemi, l’impuissance de la réponse musulmane et la trahison de leurs dirigeants.

Mais ce sont des thèmes qui apparaissent continuellement dans toutes les crises affectant les musulmans.

Nous ne pouvons pas agir étonner d’une campagne génocidaire ouverte menée contre les musulmans aujourd’hui. Cela a été une réalité adoptée par le colonialisme depuis des siècles. Tout ce que le Myanmar fait aujourd’hui, l’Occident a été infiniment pire.

Nous ne pouvons pas agir surpris lorsque les institutions internationales sont si impuissantes face à une telle tragédie. Ce sont les mêmes institutions créées pour excuser une telle horreur.

Nous ne pouvons pas agir surpris lorsque les dirigeants musulmans gardent le silence ou sont debout en trahison ouverte. Il ne devrait pas être une surprise que le Pakistan vend des avions de guerre au Myanmar ou que le Bangladesh ferme ses frontières. Leur histoire de trahison, comme celle de tous les dirigeants musulmans, est longue et laide.

Il n’y a pas de corps, pas d’institution et aucun pays qui évoluera pour protéger les musulmans aujourd’hui.

C’est pourquoi nous sommes en plein cercle dans cette discussion … sans pouvoir, sans volonté politique indépendante, les musulmans seront toujours soumis à une horreur après l’autre.

Mais pour arriver au pouvoir, nous devons affronter l’héritage colonial dans nos terres. Pour que cela se produise, nous devons affronter notre classe dirigeante traîtresse. Pour que cela se produise, nous devons construire une base populaire pour défier leur légitimité. Pour que cela se produise, nous devons nous organiser à cette finalité. Pour que cela se produise, nous devons réévaluer notre sens de soi et attacher notre existence à l’existence de l’islam lui-même.

Alors que nous devons tous faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider ceux qui souffrent, l’objectif du musulman est de mettre fin à de telles souffrances, et non seulement de l’alléger. C’est une tâche monumentale dont l’accomplissement modifiera radicalement le monde musulman et non-musulman. Mais si les sierah (la biographie du messager) nous a appris quelque chose, c’est que nous ne pouvons pas viser vers quelque chose de moins.

Que Allah (swt) accorde un répit à toutes ces souffrances, et accorde-nous à tous un répit permanent grâce à la création de Khilafah « .

May Allah (swt) grant respite to all those suffering, and grant us all a permanent respite through the establishment of the Khilafah. »


Traduction d’une article de Wassim Doureihi – HT Australia

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