Le rôle de la Turquie dans le conflit syrien: quelques questions critiques

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Le soulèvement en Syrie a commencé avec des jeunes motivés, qui ont soulevé les rues pour exprimer leur mécontentement d’une manière pacifique. Cependant, cette manifestation pacifique s’est rapidement transformée en un conflit sanglant avec le régime syrien après que la police ait commencé à tirer brusquement sur les manifestants.

À cette époque, les camps étaient clairs; le peuple opprimé contre un régime tyrannique. D’ailleurs, les politiciens occidentaux n’avaient d’autres choix que de soutenir le peuple syrien dans sa lutte contre l’oppression et dans son appel à la «liberté». Jusqu’à ce qu’il apparaisse que la «liberté» invoquée par le peuple syrien n’était pas la «liberté» qui faisait référence à la devise laïque de la Révolution française; «Liberté, Égalité, Fraternité». Non, «Liberté» signifiait qu’ils voulaient être libérés des griffes du régime d’Assad et de l’ingérence occidentale, qui a vu un bon allié et un partenaire stratégique en Bachar al-Assad pendant des décennies.

La suite ? L’horreur pour les puissances occidentales. La révolution a évolué vers une révolte islamique qui ne visait plus seulement à évincer Bachar al-Assad de sa selle, mais aussi de transformer son système en un système islamique.

Depuis, beaucoup de choses ont changé. Les camps qui étaient clairs au début n’étaient soudainement plus si clairs. Ils ont étés obscurci délibérément et parfois par le cours des circonstances.

Après tout, la guerre est tromperie. Ainsi, Bachar al-Assad et son régime laïc sont devenus de plus en plus nécessaires pour l’Occident et les pays musulmans voisins. Une condition sans compromis pour une Syrie future. Même la Turquie voisine, appelant à haute voix depuis le début pour que Bachar al-Assad soit évincé semble maintenant beaucoup plus doux. Rappelons la parole du Premier Ministre turc Binali Yildirim: « Nous avons normalisé nos relations avec Israël et la Russie. Et je suis sûr que nous allons encore normaliser nos relations avec la Syrie. »

L’opposition musulmane, d’autre part, a été fortement influencée par les efforts des pays musulmans voisins pour amener le peuple vers la table des négociations et l’acceptation d’un gouvernement de transition laïc. Ceci, selon les souhaits de Washington.

Les États qui se sont ingéré dans le conflit syrien peuvent diverger sur le fait d’accepter ou non Bachar dans le processus de transition en Syrie. Cependant, d’aucun ils ne divergent sur le fait que le caractère laïc du régime et des systèmes doit rester intact et que l’opposition n’a d’autre choix que de choisir le plan américain, c.à.d. celui d’accepter un état laïc.

Ainsi, l’opposition à Bachar al-Assad s’est subdivisée et catégorisée. Les groupes d’opposition qui ont un projet islamique clair et des groupes d’opposition vulnérables à l’influence extérieure et qui sont prêts à faire partie d’un futur gouvernement de transition laïc.

Le premier groupe est étiqueté internationalement comme terroriste et n’est pas invité aux pourparlers, alors que le deuxième groupe est appelé « rebelles » et est impliqué dans les pourparlers.

La Turquie était l’un des pays qui, en coopération avec les États-Unis, ont tenté à plusieurs reprises de créer un groupe d’opposition laïc avec des Syriens en exil sur le territoire turc, dans le but de garantir un Etat laïc après le départ de Bachar al-Assad.

Avec ce scénario à l’esprit, je vais poser quelques questions critiques sur le rôle de la Turquie dans le conflit syrien. Je ne donnerai pas de réponses directes. Je vous laisse répondre. Cependant, il y a une condition : Comme dans toute discussion honnête, vous devez sortir de votre zone de confort et vous devez regarder les faits avec un regard neuf.

En faisant cela, nous servons non seulement la justice, mais aussi le Créateur, Allah (swt).

Allah (swt) a dit:

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ كُونُواْ قَوَّامِينَ بِالْقِسْطِ شُهَدَاء لِلّهِ وَلَوْ عَلَى أَنفُسِكُمْ أَوِ الْوَالِدَيْنِ وَالأَقْرَبِينَ إِن يَكُنْ غَنِيًّا أَوْ فَقَيرًا فَاللّهُ أَوْلَى بِهِمَا فَلاَ تَتَّبِعُواْ الْهَوَى أَن تَعْدِلُواْ وَإِن تَلْوُواْ أَوْ تُعْرِضُواْ فَإِنَّ اللّهَ كَانَ بِمَا تَعْمَلُونَ خَبِيرًا

« Ô les croyants! Observez strictement la justice et soyez des témoins (véridiques) comme Allah l’ordonne, fût-ce contre vous-mêmes, contre vos père et mère ou proches parents. Qu’il s’agisse d’un riche ou d’un besogneux, Allah a priorité sur eux deux (et Il est plus connaisseur de leur intérêt que vous). Ne suivez donc pas les passions, afin de ne pas dévier de la justice. » (s.4, v.135)

A Astana, capitale Kazakhe, la Turquie a conclu un accord avec la Russie et l’Iran pour créer des zones de désescalade dans les régions où les groupes d’opposition ont du poids, comme Idlib. La Turquie interviendra en envoyant son armée dans cette zone.

La question est cependant de savoir pourquoi, depuis 6 ans, la Turquie n’est pas intervenue avec son armée puissante pour arrêter le régime meurtrier de Bachar al-Assad, mais aujourd’hui elle est à Idlib contre les groupes d’opposition luttant contre Bachar al- Assad ?

Et pourquoi la Turquie travaille-t-elle toujours avec la Russie meurtrière, qui maintient le régime syrien à l’écart et qui, au cours des deux dernières années, a rasé des villes syriennes entières avec ses habitants, par des attaques aériennes volontaires ? La règle d’or pour les musulmans ne signifie-t-elle pas que l’ennemi de l’islam et des musulmans est aussi leur ennemi?

La région d’Idlib, où la Turquie envoie son armée, est l’une des seules régions aux mains des groupes d’opposition où les groupes terroristes comme le PYD, le PKK ou l’organisation d’Al-Bagdadi ne sont pas présents.

Si ce type de groupe terroriste représente une menace réelle pour l’avenir et la souveraineté de la Turquie, pourquoi la Turquie n’envoie-t-elle pas son armée dans les régions où ces groupes sont les plus importants, comme le nord de la Syrie, là où toute la frontière entre la Turquie et la Syrie et l’Irak est pratiquement devenue  le «Kurdistan» et où opèrent ces groupes terroristes ?

Et pourquoi la Turquie a-t-elle reconnu ce gouvernement Barzani (de la région kurde) comme interlocuteur et l’a-t-elle assise avec eux? Pourquoi un tel danger imminent n’est-il pas la priorité, au-dessus de l’intervention militaire envers une région déjà en possession d’une opposition musulmane qui se bat contre Bachar al-Assad et ne met pas en danger la Turquie?

La Turquie est connue depuis le début de la révolution pour soutenir certains groupes d’opposition, tels que l’Armée Syrienne Libre (ASL) et d’autres groupes. Elle les fournit en armes légères et en aide logistique.

Mais que demande-t-elle en contrepartie? Car celui qui paye décide. Dans quelle mesure cette assistance est-elle bénévole? Est-il possible que la Turquie, qui participe activement depuis le début à influencer les groupes d’opposition vers l’acceptation d’un gouvernement de transition laïc en Syrie, s’est simplement limitée à les protéger ?

Il est clair que l’armée syrienne libre et d’autres groupes sont dans la sphère d’influence de la Turquie. Ils servent de proxy de la Turquie en Syrie. Erdogan ne s’en cache pas. Ainsi, il s’est récemment adressé aux médias dans la ville turque d’Afyonkarahisar, où il a parlé au nom de l’ASL, et a annoncé le rôle qu’elle aura dans les zones de désescalade récemment convenues en Syrie et qu’ils sont prêts à attaquer les autres groupes d’opposition à Idlib et que les soldats turcs seront déployés plus tard.

Et pourquoi la Turquie veut-elle attaquer les groupes d’opposition d’Idlib avec la Russie? Comment devrions-nous comprendre l’accord et l’initiative de la Turquie, de la Russie et de l’Iran d’utiliser l’ASL sous le contrôle de la Turquie pour combattre d’autres forces de l’opposition?

Comment devrions-nous comprendre les déclarations d’Erdogan, qui dit ouvertement qu’il veut combattre les plus grands groupes d’opposition? Est-ce parce que le plus grand ennemi de l’Islam, les Etats-Unis les a qualifiés de terroristes?

Erdogan a également déclaré que « nous (la Turquie) marchons avec la Russie ».

Comment la Turquie soutient-elle les groupes d’opposition en Syrie exactement, alors qu’elle coopère avec la Russie, l’Iran et le régime syrien, tous visant à combattre ces groupes d’opposition et à pérenniser le régime d’Assad?

N’était-il pas obligatoire de s’unir avec les rebelles pour combattre Bachar Al-Assad plutôt que de pousser les rebelles à se faire guerre les uns contre les autres ? Viser le palais de Bachar où se trouve le véritable axe du mal, plutôt que de cloisonner les rebelles dans des zones de désescalade ?

J’espère que, pour des raisons d’honnêteté et de justice, j’ai pu poser des questions pertinentes et dignes d’intérêt. Qu’Allah (swt) prévale les réponses les plus proches de la vérité.


Okay Pala

Représentant médiatique du Hizb-ut-Tahrir Pays-Bas

 

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