L’être humain est religieux par instinct.
Au nom d’Allah, Clément et Miséricordieux
L’homme est doté d’une énergie vitale qui le pousse à agir et dont la satisfaction s’impose.
Elle se présente sous deux formes distinctes. D’une part il y a les besoins physiologiques tels que manger, boire, dormir, etc., qu’il faut nécessairement satisfaire faute de quoi l’individu mourra à coup sûr. D’autre part, il y a les instincts qu’il faut normalement satisfaire, mais dont la non satisfaction n’entraîne pas pour autant la mort de l’individu, même si elle provoque chez lui une sensation de malaise. Cette énergie vitale se manifeste chez l’homme par un désir naturel d’assouvissement.
Cependant, l’impulsion des instincts est bien différente de celle des besoins physiologiques. Ces derniers sont stimulés de l’intérieur, c’est-à-dire d’eux-mêmes. Quant aux instincts, leur stimulation se fait soit par association d’idées à propos d’une chose qui excite les sentiments, soit par une réalité concrète de nature à exciter les sentiments. Ainsi par exemple, l’instinct de conservation de l’espèce est stimulé, chez l’homme, soit par la représentation mentale d’une belle femme ou de ce qui a trait au sexe, soit à la vue d’une belle femme en chair et en os ou de toute chose qui a trait au sexe. En l’absence de tels stimuli, cet instinct de conservation de l’espèce ne se manifeste guère. L’instinct d’adoration obéit au même principe : il est stimulé par la méditation des preuves et des merveilles de la création, par la réflexion sur la magnificence de l’œuvre de l’Auteur des cieux et de la terre, par l’évocation du jour du Jugement dernier, etc. Les instincts ne se manifestent donc que s’il y a stimulus ; ils restent toujours latents et passifs tant qu’il n’y a pas d’agent excitateur extérieur ou quand l’individu fait dévier cet agent excitateur en en interprétant la nature de façon erronée de telle sorte qu’il lui fasse perdre son effet normal de stimulation. Pour ce qui est de l’adoration, il faut dire qu’elle est un instinct naturel inaltérable chez l’homme ; elle est l’expression du sentiment de dépendance ou de besoin que l’être humain éprouve, naturellement, à l’égard de l’absolu, abstraction faite de l’idée que l’on se fait de cet absolu.
Ce besoin d’absolu est inné chez l’homme en tant qu’homme, qu’il soit croyant ou athée, matérialiste ou animiste. L’homme ne peut s’en défaire car il fait partie intégrante de ses dispositions naturelles. L’adoration se manifeste par la sacralisation de ce que l’on croit être le Créateur absolu ou de ce que l’on imagine comme étant l’incarnation du Créateur absolu. Cette sacralisation peut se présenter sous sa forme véritable (le culte que l’on rend à Dieu) ou sous une forme moindre (la vénération ou l’exaltation). Etant le paroxysme du respect, la sacralisation ne peut provenir de la peur mais bien de l’adoration. D’ailleurs, la peur ne peut prendre l’aspect de la sacralisation car elle se présente uniquement sous trois formes : la défense, la flatterie ou la fuite. Or, il s’agit là de trois attitudes qui sont en totale contradiction avec la nature même de la sacralisation. De ce fait, la sacralisation ne peut être que l’effet de l’adoration. Il s’ensuit que l’adoration est un instinct à part, distinct de l’instinct de survie qui se manifeste par la peur entre autre. L’homme est donc religieux par essence. C’est pourquoi il a toujours adoré quelque chose, qu’il s’agisse d’idolâtrie, de zoolâtrie, d’iconolâtrie ou de Dieu. Il n’existe point de peuple ni de nation qui n’aient rendu un culte à une divinité quelconque. Même les peuples que des régimes autoritaires ont contraints à abandonner la religion n’ont cessé d’être fidèles à leurs croyances et pratiques religieuses, malgré les supplices qu’ils ont dû subir (1).
Et pour cause : aucune force au monde ne peut empêcher l’homme d’être religieux, de sacraliser le Créateur ou de rendre culte à Dieu, mais seulement refouler, de façon temporaire, cet élan d’adoration car il s’agit d’un instinct naturel chez l’homme. D’aucuns diront que cet instinct d’adoration ne se manifeste pas chez les athées, qui ne rendent guère de culte à Dieu, et qui vont même jusqu’à se moquer de la religion. En fait, l’instinct d’adoration est tout aussi présent chez les athées ; mais au lieu de se manifester rituellement (par la pratique du culte), il prend d’autres formes telles que la sacralisation de la nature, l’exaltation des héros, des champions et autres stars, le culte des anciens, la sanctification des choses imposantes, etc. Les athées font dévier l’instinct d’adoration en interprétant faussement les choses ou en les expliquant de façon erronée.
C’est pourquoi l’impiété est bien plus difficile à supporter que la foi : elle est contre nature et constitue une déviation par rapport aux dispositions naturelles de l’homme ; l’athéisme exige de gros efforts car l’homme éprouve une énorme difficulté à se soustraire à ses dispositions naturelles et à agir contre sa nature profonde. De ce fait, lorsque les athées découvrent la vérité en percevant concrètement la nature de Dieu à l’aide de preuves rationnelles certaines, ils y croient aussitôt, ressentent un grand soulagement ainsi qu’une sérénité profonde et se sentent libérés d’un affreux cauchemar. Ils sont alors inébranlables dans leur foi car ils l’ont acquise avec certitude et preuves à l’appui. Leur raison et leur sensibilité se rencontrent ainsi harmonieusement ; ils perçoivent et sentent avec certitude absolue l’existence de Dieu, leur raison et leur état de nature étant en parfaite symbiose, d’où la force de leur foi.
(1) C’est par exemple le cas des musulmans d’Espagne après la Reconquistada ; C’est aussi le cas des peuples balkaniques à l’époque du communisme.
Archive al-Badil publié par l’équipe de La Pensée Islamique.